MÉDITER OU PROFITER DE LA VIE ?

Un jour je suis allé à un festival en plein air avec des amis. Pendant une journée, j’ai complètement lâché toute cette démarche de méditation. J’étais fatigué de consacrer autant d’énergie à essayer de trouver un sens à ma vie, à comprendre ce qui ne fonctionnait pas, à changer ma vision du monde, à m’asseoir des weekends entiers pour méditer dans des temples avec des moines. Je me suis rendu compte à quel point profiter simplement de l’instant présent était le plus important. Juste être là et profiter des bons moments.

Le soir, je suis reparti du festival avec mes amis. Je me sentais détendu, calme et extrêmement bien. J’avais passé une journée entière sans dépenser mon énergie à méditer, me concentrer, observer en permanence ce qui se passe en moi et autour de moi, et finalement je me sentais aussi bien qu’après un weekend à méditer en silence. Et si je faisais une erreur en méditant ? Et si je n’avais qu’à me laisser vivre, juste vivre et profiter de la vie ? Plusieurs personnes me le disaient régulièrement : « Tu ne profites pas assez, sors, fais la fête, bois, danse, lâche-toi ! » Et s’ils avaient raison ? Il est vrai que ces dernières années j’avais passé plus de temps assis sur un coussin à méditer qu’à sortir faire la fête. J’étais dans ma voiture, il faisait bon, j’avais passé une superbe journée, que me fallait-il de plus ? Rien !

Retour à la maison

J’ai déposé mes amis chez eux, nous nous sommes dit au revoir et je suis rentré chez moi. Mais quel chez moi ? Soudain, la réalité me rattrapa. Moi qui avais vécu 15 ans dans une villa à la campagne avec la femme de ma vie, j’allais rentrer et me retrouver seul dans un appartement. Nous nous étions séparés quelques mois plus tôt et il n’y avait plus personne à qui raconter ma formidable journée. Je ne pourrai même pas être accueilli par mon chien décédé un peu avant cette séparation. J’étais seul, perdu, face à moi-même et à ma perception de ce monde cruel qui m’avait tout pris. Après cette magnifique journée, en seulement quelques minutes, me voilà bien triste… Mes amis me manquaient déjà, j’étais encore dans ma voiture et je ne me sentais plus bien du tout…

C’est facile de profiter de l’instant présent quand cet instant est rempli de soleil, d’amis et de musique. Mais c’est autre chose quand l’instant présent est constitué d’une impression d’avoir perdu ce qui vous rendait heureux, rongé par le désespoir, le chagrin, un sentiment d’abandon et de trahison, et de culpabilité.

Mais alors que faire ? Courir toute sa vie pour qu’elle soit en permanence remplie de soleil et d’amis ? J’habite en Belgique, il n’y a pas assez de soleil. Et je n’ai pas envie d’aller habiter à l’autre bout du monde pour en avoir. Et je n’ai pas assez d’amis qui font la fête pour remplir chaque soirée jusqu’à la fin de ma vie… Non, cela ne fonctionnera pas, mais il existe une autre issue : prendre la décision de se poser et de réaliser, par l’expérience, que cette vision des choses est une vision mentale qui n’a rien à voir avec la réalité de l’instant présent.

Sortir du jeu du mental

Je suis rentré, j’ai déposé mes affaires sur le sol et me suis assis sur mon coussin pour méditer. Pas pour me sentir mieux, ni pour ne plus me sentir mal. Je me suis assis pour observer, par l’expérience directe, la réalité de l’instant. Et là, j’ai compris pourquoi j’avais passé tout ce temps à pratiquer ces dernières années. Je méditais pour changer ma perception du monde. Pour sortir de ce jeu permanent du mental qui classe les événements à longueur de temps. Qui dit « Journée OK ! » quand la situation l’arrange, puis « Rentrer seul pas OK ! » quand cela ne l’arrange pas.

Cela ne m’a pris que quelques minutes avant que j’ouvre les yeux, que je regarde mon appartement et que je me remette à sourire. Le bonheur ne dépend pas de la réalité, il dépend de ce que nous en faisons. J’en avais une nouvelle fois la preuve et en prenant la peine de m’asseoir quelques minutes je récoltais le fruit de tous les efforts de ces moments de pratique.

Ce jour-là, j’ai décidé que j’irais jusqu’au bout de ma recherche. Jusqu’à l’épuisement s’il le faut. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que la vie qui se déroule, sans être dénaturée par un mental qui juge sans arrêt, sans classement, sans étiquetage « bien » et « pas bien ». Le bonheur ne devrait pas être lié à ce que l’on fait ou ce que l’on a. Sinon cela voudrait dire que les pauvres n’ont pas droit au bonheur, que ceux qui ont perdu la capacité physique de faire ce qu’ils veulent n’auraient plus qu’à rêver d’un passé perdu. Il suffit d’ouvrir les yeux et de regarder autour de soi pour constater que c’est faux. Nombre de gens qui ont tout pour être heureux se suicident alors que d’autres qui ont perdu un bras ou une jambe se mettent tout à coup à vivre pleinement.

Quand il n’y a plus de jugement, tout devient un cadeau. Le cadeau de voir, sentir, entendre. Le bonheur n’est pas « quelque chose », il est une attitude face à la vie. Ce n’est pas une nouvelle attitude à apprendre, c’est très ancien. C’est comme cela que nous étions au départ. Regardez les yeux d’un bébé et vous verrez qu’il se contente de voir, sentir et entendre, sans juger.

Je sais aujourd’hui que je n’ai jamais perdu la moindre seconde à m’asseoir sur un coussin. Chaque seconde assis à méditer a été un instant capital qui a permis à la machine que j’ai dans la tête de reprendre un fonctionnement plus naturel. Un fonctionnement où le mental est un outil au service de l’être, et pas un commandant incompétent et arrogant qui prétend tenir la barre alors qu’il n’a aucune idée de la direction à prendre.

Méditer ou profiter ?

Si vous arrivez à profiter de la vie et que vous êtes heureux, alors profitez de la vie. Vous pouvez aussi méditer ET profiter de la vie. Tant que votre esprit n’est pas embrumé par l’alcool ou une drogue, le simple fait d’être totalement présent est déjà une forme de méditation.

Si vous n’arrivez pas à profiter de l’instant, si votre souffrance est telle que cela vous empêche de le vivre pleinement, si vous vous demandez en permanence ce que vous faites là, si vous avez l’impression qu’il manque quelque chose, ou si vous regardez ce monde en vous demandant comment vous allez faire pour tenir toute une vie, alors le fait de méditer peut vous aider. Quand vous aurez nettoyé la machine, vous pourrez réellement commencer à profiter. Parce que, ultimement, c’est quand même à cela que vous aspirez au fond de vous. Mais il y a une différence entre profiter pour se faire plaisir et essayer désespérément de profiter pour ne pas sentir le vide qu’il y a à l’intérieur…

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