ET VOUS, AVEZ-VOUS LE CHOIX ?

Quand j’ai commencé à enseigner en 2005, j’utilisais souvent la phrase « On a toujours le choix ! » J’avais choisi de ne plus rester dans le domaine des télécommunications qui ne me convenait plus, j’avais choisi d’être heureux, et j’avais choisi de m’orienter vers la formation d’adultes. Si j’étais arrivé à faire tous ces choix, c’est parce que j’avais mis plus de 30 ans à comprendre que je pouvais choisir. Il fallait que je le dise aux gens.

Il y eut plusieurs fois des débats animés autour de cette question fondamentale pendant les formations que je donnais. Avec parfois de belles prises de conscience. Puis, un jour, tout a changé. J’ai arrêté de traiter ce sujet. Pourquoi ? Parce qu’il s’est passé quelque chose d’étonnant qui a changé ma vision du choix.

Lors d’une formation, une dame me dit qu’elle est obligée de faire à manger à ses enfants tous les jours et que donc elle n’a pas le choix. Je lui demandai s’il existait une autre possibilité et elle répondit que l’autre possibilité était de ne pas leur faire à manger. Après quelques minutes de discussion, nous en sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait donc bien 2 choix, faire à manger ou pas, et qu’elle choisissait le premier. Donc elle choisissait, et choisir implique d’avoir le choix. Elle hésita un instant, puis répondit qu’elle choisissait effectivement, mais que c’était parce qu’elle n’avait pas le choix.

J’ai écrit cette phrase au tableau, « Je choisis parce que je n’ai pas le choix », et j’ai demandé à la dizaine de personnes présentes si tout le monde était d’accord avec ces mots. Et, à ma grande surprise, tout le monde répondit… oui ! Je rentrai chez moi en me demandant comment cette dame pouvait choisir si elle n’avait pas le choix… Ma conclusion était évidente : soit ils étaient tous fous, soit c’est moi qui n’avais pas compris quelque chose. J’ai choisi la deuxième solution et j’ai médité sur le sujet pendant plusieurs jours avant de comprendre.

L’histoire de l’usine à clou

Imaginez une usine qui fabrique des clous. À la sortie de celle-ci se trouve un tapis roulant sur lequel défilent les clous finalisés, et un robot. Le robot est programmé pour sélectionner les clous qui sont hors normes, trop petits ou trop grands, et les jeter à la poubelle.

Première question : le robot choisit-il ? Si on considère la définition du mot « choisir », qui est de sélectionner une possibilité parmi plusieurs en fonction de certains critères, il est évident que le robot choisit les clous hors normes. OK, donc le robot choisit.

Deuxième question : le robot a-t-il le choix ? Peut-il décider de ne pas prendre un clou hors normes ? Non. Ou de prendre un clou correct ? Non plus. Peut-il s’arrêter de choisir ? Absolument pas. Donc non, il n’a pas le choix. Il choisit, mais il n’a pas le choix. Parce qu’il n’est pas libre de choisir.

Si je vous propose de boire un verre d’acide sulfurique, et que vous refusez, vous appelez cela avoir le choix ? Pour moi, oui. Pour d’autres, non. Techniquement, il y a effectivement deux choix possibles. Mais, fondamentalement, auriez-vous pu choisir de boire de l’acide ? Beaucoup de gens répondront donc qu’ils n’ont pas le choix et qu’ils choisissent de ne pas boire le verre. Si vous pensez que vous avez deux choix, vous allez avoir l’impression de choisir. Si vous pensez que vous n’en avez qu’un, vous allez avoir l’impression que vous n’avez pas le choix.

Le choix est une question de point de vue

Pour pouvoir choisir, il faut que des choix possibles existent et que vous soyez conscient que vous pouvez choisir. Les gens qui disent qu’ils n’ont pas le choix sont soit des gens qui n’ont pas conscience qu’ils peuvent choisir, soit des gens qui choisissent (inconsciemment) de ne pas choisir, c’est-à-dire de prendre la responsabilité de leurs choix. 

La maman citée plus haut peut donc prendre conscience que le choix de ne pas faire à manger à ses enfants est aussi un choix. Et qu’elle choisit (inconsciemment) de leur faire à manger chaque jour non pas parce qu’elle n’a pas le choix, mais parce qu’elle choisit de leur donner tout ce qu’elle peut pour qu’ils soient heureux et qu’ils grandissent de manière saine. Passer d’un « Je n’ai pas le choix » à un « Je choisis » supprime bien des tensions et certainement la sensation désagréable d’être une victime.

Résumons donc cette notion souvent paradoxale du choix. Paradoxale parce qu’elle va changer en fonction de votre perception de la réalité :

  • Si vous percevez les choix qui se présentent comme des choix possibles alors vous avez le choix.
  • Si vous ne percevez pas ces choix comme des choix possibles alors vous n’avez pas le choix.

Comment avoir le choix ?

La solution n’est pas d’essayer de choisir, elle est de prendre conscience que des choix existent, que vous avez la possibilité de les faire, que vous êtes déjà en train d’en faire un (inconsciemment), et que si vous ne les faites pas vous-même alors ils seront faits de toute façon automatiquement.

  1. Faites une liste de toutes les possibilités qui existent par rapport à la situation que vous êtes en train de vivre en ce moment.
  2. Prenez conscience que toutes ces possibilités sont des choix, même si certaines vous semblent impossibles à sélectionner.
  3. Prenez conscience que de toute façon un choix sera fait, que vous en avez certainement déjà fait et que d’autres seront à faire.
  4. Choisissez en prenant conscience que vous faites bien un choix parmi plusieurs possibilités.

Quelle que soit la situation que vous vivez, il y a toujours des choix à faire. Parfois les choix sont limités, c’est normal, mais cela ne change rien au fait qu’il y a toujours des choix à faire. Même ne pas choisir est un choix. Ce n’est pas pour cela que vous devez absolument choisir tout le temps. Se laisser porter par la vie peut aussi être une possibilité. Mais remarquez que si vous arrêtez de choisir et que vous vous laissez porter par la vie, c’est parce que vous avez fait un choix.

Écouter son ressenti

Certaines personnes sont connectées avec leur corps, d’autres pas. Les premières « sentent » quand quelque chose n’est pas juste (ou juste), les autres suivent leur logique. Et malheureusement pour ces derniers le bonheur n’est pas quelque chose de « logique ».

Quelles que soient les décisions que vous avez à prendre, prenez-les à partir du coeur, de ce que vous sentez. Certains me diront qu’à l’heure actuelle (2021) c’est difficile de choisir comme ça à cause de toutes les conséquences que cela peut entraîner.

C’est vrai. Mais avez-vous pensé aux conséquences de perdre votre boussole intérieure ? C’est ce qui se passe quand on ne s’écoute pas. On finit par ne plus du tout savoir quoi faire parce que l’on a perdu sa boussole…

Conclusion

Que ces choix soient libres ou pas*, conscients ou pas, ne change rien au fait que des choix sont faits. La vraie question n’est pas de savoir si vous avez le choix, elle est de savoir si des choix doivent et peuvent être faits. Et la réponse à cette question est évidente : des choix doivent être faits, chaque jour. Et si ce n’est pas vous qui les faites, quelqu’un va le faire à votre place. Ce qui risque de vous mener tout droit vers l’impression d’être une victime.

Alors faites le bon choix…

———

* Cet article aborde la question du choix d’un point de vue classique. Si je ne parle pas (plus) ici de la vision non-dualiste du choix, c’est parce que l’expérience m’a montré que cette vision mène souvent à la conclusion que le choix n’existe pas, ce qui est faux. L’approche non-dualiste ne prétend pas que nous n’avons pas le choix, elle est une invitation à une prise de conscience que personne ne choisit. Ce qui est totalement différent. Si vous n’êtes pas intéressé par cette approche non-dualiste, il est important que vous compreniez que vous avez le choix. Si vous avez compris et intégré l’approche non-dualiste alors vous n’avez plus besoin de cet article.

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