PHILOSOPHIE BOUDDHISTE

Même si les hommes en ont fait une religion, les enseignements de Bouddha sont tout sauf religieux. Pas de dieu, pas de règles ni d’interdits, pas de jugement donc pas de punition, Bouddha prônait le libre arbitre et le fait que la vérité se trouve en chacun de nous. Il n’a pas fait de miracles, n’a émis aucune règle de vie obligatoire et invitait chacun à apprendre par lui-même en faisant ses propres expériences. Loin (très loin !) des enseignements originels, le bouddhisme en tant que religion a été pendant très longtemps, comme la plupart des religions, un outil de pouvoir au service d’une élite. Cet article parle donc des enseignements de Bouddha et pas de la religion bouddhiste.

« Ne crois rien parce qu’on t’aura montré le témoignage écrit de quelque sage ancien. Ne crois rien sur l’autorité des maîtres ou des prêtres. Mais ce qui s’accordera avec ton expérience et, après une étude approfondie, satisfera ta raison et tendra vers ton bien, cela tu pourras l’accepter comme vrai et y conformer ta Vie. » [Bouddha]

Bouddha ou « l’Éveillé »

bouddha

SIDDHÂRTHA GAUTAMA, connu par la suite comme le Bouddha, est né vers 500 avant J.C. C’était le fils d’un roi local. À l’âge de 29 ans, vivant dans l’opulence, il sort de son palais et rencontre pour la première fois la vieillesse, la maladie et la mort.

Cette brève confrontation avec les réalités de la vie le bouleverse à un point tel qu’il abandonne son confort pour chercher à mettre un terme aux souffrances humaines.

Pendant six ans, il vit comme un ascète (= qui renonce à tout) et pratique la mortification. Se rendant compte qu’il n’avait pas trouvé ce qu’il recherchait, il choisit alors une « voie médiane » entre la satisfaction des plaisirs (ce qu’il avait fait pendant 29 ans) et l’ascétisme. Il décide de s’asseoir pour méditer sous un arbre, jusqu’à ce qu’il trouve une réponse. Lorsqu’il quitte l’ombrage de l’arbre, il est le Bouddha, ce qui signifie « l’Éveillé ». Il enseigna toute sa vie et mourut à l’âge de 80 ans.

Le message du bouddhisme

L’idée est que nous vivons dans une sorte de rêve, une illusion, dans laquelle nous sommes prisonniers à cause de 3 poisons :

  1. L’ignorance = le fait de ne pas comprendre la réalité de ce monde, de notre véritable nature.
  2. La soif = le fait de toujours désirer quelque chose qui soi-disant nous rendrait heureux.
  3. L’aversion = le fait de rejeter certaines autres qui soi-disant nous rendraient malheureux.

Jusqu’à ce qu’il y ait compréhension du jeu dans lequel nous jouons, nous sommes comme prisonniers d’un cycle de renaissances conditionnées par nos vies précédentes. Quand le jeu est vu, le système s’arrête et on se libère. Mais certaines formes de bouddhisme disent que l’on peut renaître même si l’on a compris, pour aider les autres à s’éveiller. La notion de « renaître » n’est peut-être donc pas celle que l’on croit. Mon expérience (et pas connaissance !) des enseignements montre que la question n’est pas réellement « renaître ou pas ? », mais plutôt qu’il n’y a plus un « quelqu’un » qui renaît.

Comment se libérer ? En comprenant les Quatres vérités et en pratiquant le Noble Sentier (voir ci-dessous).

Les Quatre Nobles Vérités

Les « quatre vérités » sont la base du bouddhisme et les seuls enseignements communs et totalement reconnus par toutes les formes de bouddhisme. Elles sont souvent mal comprises car font appel au mot dukkha, un terme sanscrit qui n’a pas de traduction exacte. Il vient du mot dus qui signifie « incorrect », et de la racine kha qui représentait l’emplacement où prenait place l’axe d’une roue. Le mot dukkha pourrait donc être traduit par « une roue qui ne tourne pas correctement ». On pourrait le traduire par « désagréable », mais ce mot est généralement traduit en Occident par « souffrance ». Les quatre vérités sont :

  1. La vie est dukkha. La traduction classique « La vie est souffrance » est une traduction erronée. S’il est vrai que dukkha inclut la souffrance physique et mentale, la maladie, la vieillesse et la mort, le véritable sens est vécu par bien des gens dans notre société moderne : nous avons tout pour être heureux, mais « quelque chose ne va pas » ou « il manque quelque chose ». Une traduction plus ou moins correcte serait « La vie est insatisfaisante » ou « ne tourne pas rond ». Mais impossible de traduire parfaitement l’enseignement original.
  2. La cause de dukkha est l’attachement et le désir. Le désir exprimé ici n’est pas le fait de vouloir quelque chose mais le désir de garder ce qui est agréable et de rejeter ce qui ne l’est pas. C’est aussi le désir de rechercher le bonheur dans des objets (voiture, maison, argent, etc.), dans des actions (travail, sport, vacances, etc.) ou dans des personnes (mariage, relations) qui ne peuvent pas nous l’apporter. Parce qu’on veut toujours quelque chose, que quand on l’a on veut autre chose et que quand on a enfin ce qu’on a voulu on a peur de le perdre. L’attachement est autant l’attachement aux objets matériels qu’à une identité, un statut social ou un titre.
  3. Dukkha cesse quand l’attachement et le désir cessent. Supprimer l’attachement ne signifie pas supprimer l’intérêt. L’absence de désir ne signifie pas ne plus rien vouloir mais que plus rien ne vous manque.
  4. Il existe une méthode qui aide à supprimer les causes de dukkha. C’est le Noble Chemin octuple (ou Octuple sentier), guide du comportement et des pensées « justes » (« juste » dans le sens « approprié », « ni trop ni trop peu », « adapté »).

Le Noble Chemin Octuple

Le Noble Chemin Octuple, ou Octuple Sentier, est composé de 8 recommandations qui se divisent en 3 sections : la Morale (discipline éthique), la Méditation et la Sagesse. Ce sont les 3 entraînements qui mènent à la libération. Le noble chemin n’est pas un ensemble de règles obligatoires qui entraînent des sanctions si elles ne sont pas suivies. L’idée est que sans morale l’esprit ne peut se concentrer. Sans concentration, il est impossible de méditer. Et c’est la méditation qui amène naturellement à la sagesse par la compréhension intuitive de la réalité.

Pour la morale :

  • La parole juste = ne pas nuire par la parole : ne pas mentir, ne pas parler durement (envers soi et envers les autres) ou insulter, ne parler que si c’est nécessaire.
  • L’action juste = ne pas nuire par l’action : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas commettre d’inconduite sexuelle, éviter les substances qui font perdre le contrôle de soi.
  • Le mode de vie juste = un mode de vie simple, qui ne nuit pas aux autres êtres vivants : une vie sans excès, ni trop, ni trop peu. Une vie honnête, qui ne crée pas de souffrance.

Pour la méditation :

  • Le juste effort : l’effort d’éviter les actes et pensées négatifs et de développer les actes et pensées positives.
  • La juste attention : d’une manière générale, l’attention consiste à observer tout ce qui se passe en nous (corps, émotions, sensations, pensées) et autour de nous. En fonction du courant (voir ci-dessous), certains enseignent d’observer en profondeur (theravada), d’autres de ne rien en faire (zen), d’autres encore de transmuter ce qui apparaît (vajrayana).
  • La juste vigilance : appliquer cette attention juste, de manière constante, pendant la pratique et dans la vie de tous les jours.

Pour la sagesse :

  • La vision juste : voir la réalité comme elle est, c’est-à-dire au-delà de nos filtres personnels qui colorent le monde, et comprendre notre vraie nature.
  • La pensée juste (= l’intention) : quand une vision claire de la réalité apparaît, il reste à savoir ce que l’on va en faire. 

La sagesse dont il est question ici n’a rien à voir avec le fait d’être sage ou un sage. La sagesse est une vision juste de ce qu’est la vie. Du fait que tout phénomène est impermanent, insatisfaisant et illusoire, et que celui qui médite fait partie de cette illusion. La sagesse en elle-même ne requiert aucun effort et ne peut être comprise par la logique.

De notre point de vue occidental, cette sagesse pourrait être vue comme une finalité. Il n’en est rien ! Si elle apparaît effectivement naturellement quand on développe la morale et la méditation, la sagesse reste un des 3 entraînements. Ce n’est  donc pas du tout un but à atteindre…

Bouddhisme = Méditation ?

Comme l’explique le moine réputé Thich Nhat Hanh, la seule issue à la fin de la souffrance est la pratique de la vision profonde (appelée aussi vision pénétrante). Mais en réalité, pour beaucoup de Bouddhistes dans le monde, ce chemin de libération paraît inaccessible et très peu pratiquent réellement la méditation. Ils se contentent de prier Bouddha, de faire des offrandes ou de faire tourner des moulins à prières pour accumuler des « mérites » supposés les aider à avancer sur la voie. Ce sont ces pratiques qui ont transformé la philosophie bouddhiste en une religion appelée « Bouddhisme » qui n’a plus grand chose à voir avec les enseignements de base véhiculés par Bouddha. 

Même les moines pratiquent peu, comme le souligne Philippe Cornu, ethnologue spécialiste du bouddhisme :

« La plupart des moines vivant dans des monastères citadins se consacrent plutôt aux études, aux observances, aux sermons et exécutent des cérémonies pour la population. Seuls les moines dit « de forêt », qui perpétuent une très vieille tradition de l’époque du Bouddha et vivent en petites communautés en dehors des agglomérations dans des conditions frugales, se consacrent assidûment au recueillement de l’esprit. Au Tibet, tous les moines ne sont pas non plus de grands méditants et nombre d’entre eux se sont spécialisés dans les rituels ou dans les études scolastiques sans pour autant maîtriser l’art de méditer. »
(Extrait du livre : Le bouddhisme, une philosophie du bonheur ?)

Les 3* grands courants du bouddhisme

  1. Le bouddhisme theravada correspond à l’une des anciennes écoles du bouddhisme hinayana, ou « petit véhicule ». Il privilégie la libération individuelle plutôt que la libération des autres. La méditation theravadine inclut deux pratiques : samatha (la concentration) et vipassana (l’observation des phénomènes). Ce bouddhisme est souvent considéré comme celui enseigné à la base par Bouddha.
  2. Le bouddhisme mahayana (ou « grand véhicule »), dont fait partie le Zen, réintroduit des idées écartées par le Bouddha : la dévotion, le ritualisme ou la présence de divinités (qui sont en fait des supports de méditation plutôt que des « divinités » au sens habituel). Il privilégie comme but de la pratique la libération de tous les êtres sensibles. Il semble tout de même évident que pour pouvoir libérer les autres il est d’abord nécessaire de se libérer soi.
  3. Le bouddhisme vajrayana (ou tantrique) se développe plus tard, vers le 4ième siècle, et sera surtout pratiqué dans la région himalayenne et au Tibet à partir du 7ième siècle. Cette voie préconise l’emploi de méthodes méditatives et yogiques et nécessite des instructions reçues auprès d’un Lama (ou Maître spirituel). Il appartient donc au maître d’apprécier ce qui doit être enseigné, à qui et à quel moment.

* Il existe un 4ième courant, le bouddhisme de la Terre pure (mahayana, 5ieme siécle), moins connu en Occident mais qui compte le plus d’adeptes dans le monde. Il est essentiellement basé sur la foi, la dévotion et la pratique de la récitation du nom du bouddha, avec pour objectif d’accéder après cette vie à la terre du bouddha (= nirvana ou paradis). En gros (désolé pour les puristes), on prie et si on s’en remet suffisamment à Bouddha on ira au Paradis. Ce type de bouddhisme est donc le plus proche de nos religions monothéistes et n’a plus rien à voir avec les enseignements de base. Dans cet article je sépare ce courant des autres parce que ce bouddhisme n’a pas de lien avec la méditation dont je parle.

« Le bouddhisme de la Terre Pure s’adresse à des gens qui se considèrent comme incapables de réunir les qualités menant à l’éveil et qui repoussent cet éveil à une vie future. » [Jérôme Ducor, Président de l’Institut d’études bouddhiques de Paris]

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